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Giorgio Pauletto

Comment penser le futur avec la méthodologie du "future thinking"

Par Giorgio Pauletto & Xavier Comtesse


Extrait du livre "Promtp Futur", disponible aux éditions Georg


Prévoir l’avenir a toujours été une nécessité. D’abord pour survivre nos sens servent en priorité à cela, par exemple entendre le bruit d’une menace que l’on ne saurait voir mais aussi pour anticiper des lendemains incertains. Dans la pé-riode moderne (post-Seconde Guerre mondiale), on a commencé à formaliser ces approches dites « prospectives ». Par exemple, la RAND Corpo-ration, pour le compte de l’armée américaine, a développé une méthodologie de scénarios avec, en général, plusieurs visions contrastées du futur. Les entreprises, après les armées, s’y sont mises aussi. Bien sûr, il y a toujours les méthodes quantitatives de la statistique et de l’économétrie pour compléter l’appareil prospectif. Cela fait maintenant plus de 50 ans que tout le monde les pratique et pourtant les résultats ne sont pas toujours excellents, particulière-ment en période de rupture. L’avenir se laisse difficilement appréhender.

Depuis peu émerge une approche très intéres-sante dite du « future thinking ».

En synthèse, elle est basée sur (1) l’écoute des signaux de changement qu’il faut être capable de (2) regrouper en tendances émergentes, (3) d’ex-primer à travers plusieurs propositions de futurs possibles. On peut ainsi répéter le même exercice pour (4) s’approcher d’un futur souhaitable et, finalement, (5) d’énoncer une stratégie qui devra (6) être mise concrètement en œuvre.


Convergence et divergence sont les ingrédients de ce travail itératif qui permet de s’approcher de cet avenir tant convoité. Ce qui est fantas-tique avec cette méthode, c’est que cela marche.

Nous allons mener cette expérimentation à travers le programme de Manufacture Thinking dans 10 workshops sur les thèmes de l’école, des médias, de l’industrie, de l’IT, de la santé, du travail, notamment. Forts de notre expérience pendant 8 ans dans le domaine de la transformation digitale (IA, IoT, big data, Industrie 4.0, etc.), nous allons utiliser cette nouvelle démarche ouverte pour répondre à la question la plus importante pour les entreprises « de quoi sera composé notre avenir » ? Vous verrez, l’effet est décoiffant, la méthodologie est efficace.


Pour mémoire, le think tank a d’abord pratiqué le design thinking pour l’élaboration de ses pro-jets, puis petit à petit, il a orienté son attention vers la méthodologie du future thinking aujour-d’hui si pratiqué, par exemple, en Californie. Ces deux méthodologies s’imbriquent bien l’une dans l’autre. En effet, l’une traite de produits, l’autre d’avenir. En fait, il suffit de considérer l’avenir comme un produit innovant.


À regarder de plus près, nous avons traditionnellement une compréhension du « passé » très bien structurée mais ce n’est pas du tout le cas pour le « futur » ! Ainsi, accompagner pas à pas les étapes d’une réflexion est à la fois une tech-nique et une science. Défini en 6 phases (voir plus haut) que l’on peut parcourir en boucle itérative, le processus rapproche l’entrepreneur des futurs probables dans un monde incertain. Pas du tout quantitative mais faisant appel au qualitatif, à l’imagination et à l’intuition, propre au développement de l’intelligence collective, la méthode séduit les dirigeants par sa simplicité d’usage et son efficacité prouvée.


Une première illustration : Le cas Tudor


  1. Un signal de changement

La société des montres Tudor se lance dans le cyclisme. Surprenante nouvelle. Une équipe entièrement suisse va défier l’élite mondiale dans ce sport très populaire. Cette alliance a surpris plus d’un observateur du monde de la « petite reine » mais encore plus ceux de la

« tocante ». Pourquoi sponsoriser le cyclisme ? Quel objectif est visé ? Est-ce une nouvelle stratégie ? L’entreprise Rolex est-elle derrière ?


Quelle interprétation donner à ces questions pertinentes ? Pour y répondre, il faut comprendre quel lien unit les maisons Rolex et Tudor depuis toujours. Hans Wilsdorf fonde d’abord Rolex en 1905 puis en 1926 Tudor. Cette dernière a été voulue par son fondateur comme une réponse à la demande de certains clients voulant posséder une montre qui avait les qualités et la fiabilité d’une Rolex sans devoir en débourser le prix fort. Les dirigeants actuels de ces deux maisons sœurs du monde horloger perpétuent la tradition en cherchant à se positionner aux deux bouts de la chaîne des valeurs du luxe horloger : l’entrée de gamme et le haut de gamme.


2. Une tendance se confirme

Tudor sera donc plus que jamais l’entrée de gamme de Rolex. Du coup, on a une nouvelle pro-position à formuler : elle sera l’entrée de gamme de toute la Haute Horlogerie suisse. En effet, non seulement Rolex est un des leaders historiques de ce marché mais après la victoire incontestable de l’Apple Watch dans la gamme des montres à moins de 500 CHF, les Suisses ont été, plus ou moins, obligés d’abandonner les segments bon marché au profit du luxe. Si bien qu’aujourd’hui, les montres suisses se vendent plus cher et donc en moins grand nombre, luxe oblige.


3. Une proposition transformatrice

On assiste donc à une recomposition en pro-fondeur de l’espace des prix avec Rolex dictant – l’air de rien – les règles pour tous. En effet, Rolex, fort du quart du marché de la Haute Horlogerie (5,5 milliards sur 22 milliards de francs), organise le paysage en tenant désormais les deux bouts des segments luxe (l’entrée et le haut de gamme). Toutes les autres marques (Cartier, Omega, Patek Philippe, Audemars Piguet, Jaeger-LeCoultre, Tag Heuer, etc.) doivent se positionner à l’intérieur de ces nouvelles frontières. On saisit mieux pourquoi Tudor s’intéresse au cyclisme. Il faut marquer le début du territoire et que tout le monde le sache (où commence vraiment l’horlogerie suisse). Voilà pourquoi une équipe cycliste suisse a été formée avec comme mission : rendre populaire la nou-velle frontière des Suisses. Tout le monde doit savoir, tout le monde doit comprendre.


4. Conclusion

Le cas Rolex/Tudor que l’on vient d’évoquer rapidement montre clairement comment d’un signal de changement on a pu déduire une tendance puis une proposition pour un avenir possible. Celle-ci est finalement très éclairante pour tout l’écosystème horloger suisse. La puissance du raisonnement induit par la méthodologie du future thinking est bien réelle. Vous en conviendrez certainement.


Extrait du livre "Promtp Futur", disponible aux éditions Georg

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